Vous nous avez fait part, autant par mail qu'en DM sur Twitter, de votre amertume, et le mot est faible, au sujet de ce nouvel outil de propagande assez déplacé qu'est "Notre nouvelle SNCF" Les avis dont vous nous avez fait part vont à peu près tous dans le même sens. Pour nous, la direction joue la carte du sarcasme. Thomas et Cassandra.
"Nous ne devons plus seulement être bons. Nous devrons être les meilleurs"
Le site présente d'abord une page accessible à n'importe qui par ce lien. Cette page contient une vidéo de 2 minutes 41 dans laquelle des images d'animations se succèdent sur le fond musical de la SNCF. Une voix off explique les enjeux de la SNCF pour les années à venir. Elle cite: "Nous ne devons plus seulement être bons, nous devrons être les meilleurs" Une phrase utopique quand on sait que la direction, aidée par le gouvernement, s'emploie à démembrer l'entreprise depuis une vingtaine d'années afin de la revendre par morceaux à des capitaux privés peu regardants sur la qualité de service. Seul le fric comptera. Les usagers en font déjà les frais avec des séries d'incidents à répétition et une dégradation constante de l'offre de transport. Et ça n'ira pas en s'arrangeant. La SNCF prépare déjà l'arrivée de la concurrence et la privatisation, proche finalité, en s'adaptant aux réalités. Être les meilleurs oui. Mais seulement en bénéfices. Telle est la loi du marché.
Des avis triés sur le volet
La voix off détaille le déroulement de l'opération "Notre nouvelle SNCF". Elle s'articule autour de cinq engagements sur lesquels nous reviendrons plus bas dans l'article. Les salariés du GPF SNCF, qui ne restera pas GPF longtemps, sont invités à s'exprimer, à donner leurs idées pour construire la SNCF de demain. Notre fameuse nouvelle SNCF. La direction affiche une volonté de faire croire aux salariés qu'ils sont maîtres de leur destin. Mais nous ne sommes pas dupes.
Nous doutons fortement que les idées les plus pertinentes seront retenues. La vidéo explique que les COMEX eux mêmes étudieront les idées avancées par les salariés. Ce qui veut dire que la stratégie est de toute façon déjà jouée d'avance. Les idées de réunification des activités, de ré humanisation, d'embauches suffisantes au statut - garantissant du personnel formé et motivé - et de management humain seront éloignées. Seuls quelques avis triés sur le volet et allant dans le sens de la stratégie de démantèlement seront peut être retenus, pour faire "genre"
Quel avenir pour les cheminots ?
La réforme de 2014 ne devait rien changer. Tout potache sait que cette réforme a changé énormément de choses. Et pas dans le bon sens. Les réformes libérales n'ayant en aucun cas la vocation de changer les choses en bien. Ni pour les salariés, ni pour les usagers qui, répétons le, font les frais de 20 ans de politique désastreuse.
La réforme de 2016, loi travail, ne nous concernait pas. Dixit la direction, le gouvernement et les médias. On a la aussi la preuve du contraire. L'exemple d'actualité, c'est l'instauration des CSE, une véritable casse sociale du monde l'entreprise. La direction s'en donnera à coeur joie pour faire passer ses projets cataclysmiques pour les salariés et les usagers.
La réforme de 2018, soutenue par la direction, est le coup de grâce. Une véritable bombe atomique achevant le travail de saccage du transport ferroviaire en France. Elle ne garantit aucun avenir pour les salariés du GPF. Qu'il s'agisse de SNCF, SNCF mobilités ou SNCF réseau et de n'importe quel métier. Les bruits de couloir donnent les salariés de "l'activité TER" (on aime pas ce terme) comme étant les seuls concernés par la réforme. C'est faux, et on insiste bien là dessus pour qu'il n'y ait aucune mauvaise surprise dans les années à venir: TOUT LE MONDE est concerné. TER, TGV, Fret, SNCF réseau, SUGE, Optim'services... Personne n'est à l'abri d'un transfert à la concurrence ou d'une filialisation. Si ce n'est pas pire à terme.
Le PDG lui même a annoncé la suppression de 21000 postes dans l'entreprise d'ici à 2025. En sus des transferts à la concurrence. Ces suppressions de postes se traduiront par des non remplacements de départs en retraite, d'hypothétiques plans de départ volontaire et par une politique destinée à brader un maximum d'effectifs. Une politique dont elle risque de perdre le contrôle, le nombre de démissions étant en hausse. L'avenir des cheminots est donc incertain. Demander l'avis des salariés sur un avenir incertain est on ne peut plus sarcastique.
Et pour les usagers ?
Comme nous l'avons dit un peu plus haut, ils paient déjà les pots cassés des dernières réformes, avec une accélération de la casse de la qualité et de l'offre ferroviaire. Tout a commencé avec le transfert des compétences TER aux régions et la création, en 1997, de RFF. S'en sont suivis la séparation des activités, fatale pour la continuité du service, et la réforme de 2014. Qu'ils utilisent la SNCF ou un autre opérateur; par appels d'offres sur TER ou en open accès sur GL / TGV, ils paieront plus cher pour un service moins fiable.
Les engagements
1: Accroître la satisfaction et l'engagement des collaborateurs
Les méthodes stratégiques et managériales rondement menées par la direction depuis vingt ans vont dans le sens contraire de cet engagement.La dernière réforme attaque frontalement les repères socios professionnels des salariés de la SNCF, déracinés de leur environnement et transformés en objets de rentabilité ou en simples pions. La nette hausse de démissions et l'épidémie de mal être au travail mettent cet engagement à mal. L'humain n'est plus au coeur des préoccupations de la direction, et cela depuis bien longtemps.
Malgré tout, cet engagement traduit l'une des plus grandes peurs de la direction: une perte de contrôle sur la purge qu'elle compte mener en vue de réduire les effectifs. C'est à dire, que les salariés partent vers des entreprises concurrentes. Et nombreux sont les cheminots, avec qui nous échangeons, qui se disent prêts à aller voire ailleurs. Même les plus motivés.
2: Être les meilleurs sur les fondamentaux
Les fondamentaux sont détaillés dans la partie réservée aux salariés (connexion ici) Tout comme pour le premier engagement, la direction fait tout le contraire pour la bonne tenue de cet engagement. Hormis la sécurité, et on touche du bois pour que ça dure malgré le transfert de la maintenance du réseau à des sous traitants. Les deux autres fondamentaux ne pourront jamais être tenus avec 21000 suppressions de postes. Et surtout pas en massacrant la filière commerciale, que le digital ne suffira jamais à remplacer.
3: Développer l'usage du ferroviaire
Quelle blague ! Après Geodis pour le Fret, la direction s'emploie à transférer les voyageurs vers sa filiale déficitaire Ouibus. Donc un transfert du rail vers la route. Ajoutons à ça les fermetures de lignes suite à l'abandon volontaire de leur entretien. Et on a là encore un engagement totalement utopique.
4: Augmenter la satisfaction des clients
Même constat que pour l'engagement numéro 2. Les suppressions d'effectifs déjà actées et à venir vont dans le sens contraire de cet engagement. Le programme NRC est totalement mis à mal par la casse de l'emploi à tous les niveaux. Le manque d'entretien sur la matériel roulant, résultant de la suppression de postes dans les ateliers de maintenance, engendre régulièrement des suppressions de rames ou de circulations. Nous avons récemment eu l'exemple d'un Nice / Paris prévu en UM de TGV parti en US avec des voyageurs sans placement durant tout le trajet. Est-ce acceptable ? Non. Quid des TGV qui partent avec un seul ASCT, au mieux par rame, au pire pour deux rames ? Quid des voyageurs qui se retrouvent sans personnel qualifié pour les aider, les orienter, les renseigner en gare ? Les voyageurs utilisant les autres compagnies, comme actuellement Thello, se heurteront aux mêmes irritants. La satisfaction clients dans de telles conditions est également une utopie.
5: Etre économiquement rigoureux et performants
C'est le seul engagement viable. Au détriment des autres. Le fric, c'est tout ce qui compte. La SNCF fonctionnait mieux lorsqu'elle était encore une entreprise publique à part entière, sans enjeux financiers.
Conclusions
Vous l'aurez compris, pour nous, ces engagements sont utopiques. A l'exeption du cinquième. La démarche consistant à demander l'avis à des salariés oppressés par une politique stratégique nocive est sarcastique. Pour ne pas dire qu'elle est déplacée. Elle revient à demander à des victimes de choisir les armes avec lesquelles elles seront exécutées. Les décisions sont déjà prises. La nature des avis est naturellement déjà choisie. Les incertitudes règnent sur l'avenir des salariés du GPF. La direction assure le service après vente de la réforme, qu'elle a soutenue, en essayant de faire croire qu'elle s'intéresse à ses salariés. Elle fait croire que l'avenir est prometteur alors que la majorité des salariés n'est pas dupe.
Pour nous, il n'y a pas trente six solutions. Il faut revenir en arrière, chose que les réseaux étrangers privatisés ont tendance à faire. C'est le seul moyen de tenir les engagements promis par la direction. Il est urgent de réunifier les activités et les moyens de production, de ré embaucher du personnel qualifié et de remettre l'humain au coeur de l'entreprise.
Illustration de Yanis